Les motions de censure déposées par La France Insoumise et le Rassemblement national, à la suite du recours par Michel Barnier le 2 décembre à l’article 49, alinéa 3, pour faire adopter le projet de loi de financement de la sécurité sociale, seront votées mercredi 4 décembre. Pourquoi un tel délai entre le dépôt des motions et leur vote par les députés ?
Lundi 2 décembre, Michel Barnier a annoncé recourir à l’article 49;alinéa 3, dela constitution pour faire adopter le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025.
La réaction des députés ne s’est pas fait attendre : La France Insoumise et le Rassemblement National ont immédiatement déposé des motions de censure, comme le prévoit l’article 49, alinéa 2, de la Constitution. Ces motions seront votées mercredi 4 décembre à partir de 16h.
L’article 49, alinéa 2, de la constitution dispose que : « L’Assemblée nationale met en cause la responsabilité du Gouvernement par le vote d’une motion de censure. Une telle motion n’est recevable que si elle est signée par un dixième au moins des membres de l’Assemblée nationale. Le vote ne peut avoir lieu que quarante-huit heures après son dépôt. Seuls sont recensés les votes favorables à la motion de censure, qui ne peut être adoptée qu’à la majorité des membres composant l’Assemblée. Sauf dans le cas prévu à l’alinéa ci-dessous, un député ne peut être signataire de plus de trois motions de censure au cours d’une même session ordinaire et de plus d’une au cours d’une même session extraordinaire. »
Ces conditions sont également précisées par le chapitre XI du réglement de l’Assemblée nationale, intitulé « Motions de censure et interpellations », qui encadre le recours à la motion de censure. L’article 155 du du réglement dispose que : « Lorsqu’en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, le Premier ministre engage la responsabilité du Gouvernement sur le vote d’un texte, le débat est immédiatement suspendu durant vingt-quatre heures. » Le second alinéa précise que : « Dans ce délai, une motion de censure répondant aux conditions prévues par l’article 153 peut être remise au Président de l’Assemblée. »
Ainsi, les députés disposent de vingt-quatre heures pour déposer une motion de censure après le déclenchement de l’article 49.3 par le gouvernement, soit, en l’espèce, jusqu’au mardi 3 décembre à 15h42.
Le règlement prévoit également, dans son article 154 que : « La Conférence des présidents fixe la date de discussion des motions de censure, qui doit avoir lieu au plus tard le troisième jour de séance suivant l’expiration du délai constitutionnel de quarante-huit heures consécutives au dépôt. »
Pour Denys de Béchillon, Professeur de droit public à l’Université de Pau et membre du Club des juristes, la règle des quarante-huit heures a été instaurée pour répondre à la « logique d’interpellation qui était en vigueur sous la IIIe République. En effet, sous la IIIe République, les parlementaires exerçaient un droit d’interpellation qui conduisait à une censure immédiate du gouvernement ». Le Professeur précise qu’ « au moment de l’élaboration du texte de la Vème République, l’objectif était de créer un délai de réflexion, afin d’apaiser les passions, mais aussi pour permettre aux acteurs politiques de discuter et de négocier si nécessaire. »
Sous la Vème République, une seule motion de censure a été votée, renversant ainsi le gouvernement de Georges Pompidou en 1962. Cette motion avait été déclenchée en réaction à un événement provoqué par Charles de Gaulle. Selon Denys de Béchillon, « nous sommes ici dans une situation d’engagement de la responsabilité gouvernementale assez atypique, car il ne s’agit pas de réagir à un événement, mais de traduire une intention politique très construite, probablement d’assez longue main. En l’occurence, les députés ont déjà réfléchi à la question. Bien que la règle des quarante-huit heures soit une mesure intelligente, elle a moins d’utilité pratique dans le contexte actuel. »
Si une motion de censure était votée mercredi 4 décembre, Michel Barnier devrait remettre sa démission ainsi que celle de son gouvernement à Emmanuel Macron. Le Président de la République devrait alors nommer, quelques mois seulement après la nomination de Michel Barnier, un nouveau Premier ministre.