Au Sénégal, les choses sérieuses ont démarré en perspective de la présidentielle de février 2024 avec le lancement, le 27 septembre dernier, de la campagne des parrainages. Mais d’ici l’examen de dossiers par le Conseil constitutionnel prévu entre le 26 décembre et le 12 janvier prochain, certains candidats ont commandé ce type d’enquêtes sur lesquelles ils fondent leur stratégie de précampagne.
Depuis 1986, la diffusion d’un sondage d’opinion ayant un rapport direct ou indirect avec un référendum ou une élection est interdite. Mais, il est de coutume de constater qu’à l’approche de chaque élection présidentielle, beaucoup d’états-majors des différents candidats commanditent des enquêtes pour mesurer l’intention de vote des électeurs. D’ailleurs, au mois de juillet dernier, un responsable du parti Pastef avait déclaré ceci, selon Jeune Afrique : « De toute façon, Macky Sall ne compte pas laisser Ousmane Sonko participer à cette présidentielle. Nous savons qu’il a commandé trois sondages pour un second tour : l’un avec lui, un autre avec Amadou Ba et un troisième avec Aly Ngouille Ndiaye. Ils donnaient tous Sonko gagnant ».
Alors, cet obstacle légal empêche-il des candidats de faire des sondages ? Non ! « J’ai commencé à utiliser les sondages très en amont. À présent, ils me permettent de cibler les zones où je dois intensifier mon travail, de situer mes forces et mes faiblesses sur l’étendue du territoire, de comprendre les préoccupations des populations selon les régions », a confié un candidat à ‘’Jeune Afrique’’, qui a consacré un article à ce sujet ; Le journal panafricain écrit que pour ce responsable politique, c’est toute une stratégie de pré-campagne qui se fonde sur ces enquêtes.
20 millions à 30 millions F CFA pour un sondage
De son avis, Yacine Ba Sall, directrice de l’institut de sondages BDA, fondé à Dakar, il y a plus de trente ans, «la présidentielle de 2024 suscite un intérêt comme on en a rarement vu. Sans doute parce que le scrutin sera très ouvert et que le champ des possibles est vaste ». Dans un entretien avec JA, en septembre dernier, elle a révélé avoir « noté un regain d’intérêt de la clientèle juste avant que Macky Sall annonce qu’il ne se présenterait pas [en juillet dernier] ainsi qu’en ce moment ». Mme Sall précise à nos confrères que la réalisation de sondages politiques occupe la majorité de son activité en période électorale, contre 15 % le reste du temps.
« Acteurs politiques, mais aussi hommes d’affaires et organes de presse n’hésitent pas à mettre la main à la poche pour connaître les opinions et intentions de vote des citoyens sénégalais. Comptez entre 20 millions et 30 millions de F CFA (entre 30 500 et 45 700 euros environ) pour un sondage national, qui interroge environ 3 500 personnes sur l’ensemble du territoire.
Le cabinet BDA travaille avec une méthode de quotas, chargée de déterminer des échantillons représentatifs de la population », a confié la sondeuse à Jeune Afrique. Elle ajoute que « les demandes sont diverses. Nous pouvons poser des questions de fond, des questions d’actualité, établir des cotes de popularité ou des intentions de vote… Plus on s’approche du scrutin, plus il devient facile de faire des pronostics, notamment en ce qui concerne le second tour de l’élection ».
Selon toujours »JA », la patronne de l’institut de sondages BDA refuse d’en dire plus sur ces « questions d’actualité » visant à faire réagir les sondés sur certains évènements, mais elle reconnaît que les questions liées à Ousmane Sonko, dont le destin judiciaire rythme la vie politique sénégalaise depuis bientôt trois ans, étaient récurrentes.
« Macky Sall ne prend pas une décision sans commander un sondage avant »
A en croire des proches du président de la République, ce dernier lui-même n’est pas en reste. « Macky Sall passe son temps à faire réaliser des sondages, affirme l’un de ses collaborateurs. Il ne prend pas une décision sans en commander un avant » et c’est notamment sur la base d’un sondage que le président aurait fondé sa décision de faire de son Premier ministre, Amadou Ba, le candidat de la coalition présidentielle Benno Bokk Yakaar (BBY) pour l’élection de février 2024. « Il devançait tous les autres candidats, et de loin », affirme un interlocuteur du journal panafricain.
Selon la même source, ces sondages ne prenaient toutefois pas en compte une éventuelle participation d’Ousmane Sonko à la présidentielle. Le candidat de l’opposition, susceptible d’être radié des listes électorales en août après avoir été condamné par contumace pour « corruption de la jeunesse », l’emportait sur ses concurrents dans des sondages précédents, précise le collaborateur du président.