Médina Gounass n’était pas à la fête le jour de la Tabaski. Des affrontements entre disciples de Thierno Amadou Tidiane Ba (Foutanké) et de Thierno Mounirou Baldé (Ngabounké), les deux marabouts rivaux de la localité, ont fait un mort et plus d’une trentaine de blessés dans cette commune du département de Vélingara, lundi 17 juin. Les échauffourées ont causé d’importants dégâts matériels.
Le ministre de l’Intérieur, Jean-Baptiste Tine, s’est rendu dans la cité religieuse, ce mardi, et a appelé au calme. Pendant ce temps, renseigne L’Observateur, la gendarmerie, chargée de l’enquête, a déjà procédé à une trentaine d’arrestations.
Les affrontements entre disciples rivaux de Médina Gounasss sont monnaie courante. Ils remontent à loin, «quand la politique fit son entrée dans la cité, en 1978, à la faveur de l’érection de la localité en chef-lieu de communauté rurale», pointe L’Observateur dans son édition de ce mercredi 19 juin. Ancien maire de la Localité, Seydou Bâ, interrogé par le journal du Groupe futurs médias (GFM), se souvient des heurts survenus bien plus tard, en 1995. «Des maisons ont été gelées suite à ces affrontements, souligne-t-il. Un arrêté avait été pris par l’autorité préfectorale de l’époque, Alioune Badara Mbengue, de restituer les terres sans succès. Ces terres sont devenues des dépotoirs d’immondices.»
Seydou Bâ rappelle avoir été lui-même victime des rivalités entre pro-Thierno Amadou Tdiane Bâ et pro-Thierno Mounirou Baldé : «Ma voiture avait été incendiée et mon domicile attaqué en 2019. Les [auteurs] ont été d’ailleurs identifés, mais sans suite.»
Médina Gounass a été fondé en 1935 par El Hadji Mamadou Seydou Bâ. À l’époque, les «Foutankés» et les «Ngabounkés», aujourd’hui rivaux, vivaient en harmonie. Mais leurs relations se détérioreront au fil du temps au point de déboucher sur ses séquences d’affrontements aussi fréquentes que sanglantes.
Douze ans après les événements de 1995, un autre épisode de la même violence a particulièrement retenu les attentions. «Le 2 janvier 2007, un article de Wal fadjri signé par Cheikh Dieng écrivait que ‘le feu couve à Médina Gounass depuis fort longtemps avec deux communautés religieuses qui se regardent en chiens de faïence’», rembobine Bés Bi.
Le quotidien du groupe Emeia Invest de poursuivre en rappelant que Saliou Fatma Lô du journal Le Soleil relevait pour sa part «un blessé à la cuisse par balle, un autre par arme blanche et un troisième présentant des hématomes à la tête». Au plan matériel, la même source rapportait que la voiture du khalife des «toucouleurs» a été vandalisée et trois cases ont été brûlées. Ces faits s’étaient déroulés, comme lundi dernier, le jour de la Tabaski.
L’Observateur détaille : «Après avoir fini les deux rakas de la prière, les fidèles, pour se rendre au domicile de leur, khalife Thierno Amadou Tidiane Bâ, sont passés par la voie encore occupée par l’autre camp, qui écoutait le sermon de leur guide, l’imam et khalife Thierno Amadou Baldé. La mosquée de ce dernier se situe à 200 mètres du domicile et de la mosquée du khalife Thierno Amadou Tidiane Bâ. Les klaxons et vrombissements des moteurs des autos et motos ont révolté les disciples du khalife Thierno Amadou Baldé, qui ont interrompu l’office pour laver ce qu’ils ont considéré comme un affront. Il y a eu plusieurs blessés graves et des règlements de comptes qui se sont étendus aux villages satellites avec des cases brûlées et du bétail agressé au coupe-coupe.»
Le journal du GFM renseigne que le calme ne reviendra qu’à la suite des décès, en l’espace de 24 heures, des deux épouses nonagénaires du fondateur de Médina Gounass. «Ces deux dames ont couvé et bercé la plupart des dignitaires actuels des deux communautés du temps où la cohésion était de rigueur et que tous étaient disciples de leurs époux de khalife. Une cohésion qui a volé en éclats.»